Reprise d’un article initialement publié le 04 février 2018.
Malevil, un roman coup de cœur qui m’a touché au point que je ne pouvais pas m’empêcher de vous en parler. Du Post Apocalyptique à la Française écrit par un prix Goncourt : je pouvais difficilement passer à coté !
Aujourd’hui, je vais vous parler du roman d’un écrivain Français, Robert Merle, écrit en 1972. Le plus étrange dans tout ça, ce n’est pas que j’ai lu le roman d’un auteur Français (ça m’était déjà arrivé – si si), ni même que ce roman fasse plus de 500 pages (quand on a pour habitude d’ingurgiter des séries interminables de Fantasy, ou des pavés de règles de jeux de rôles proches du dictionnaire Larousse ça ne fait pas peur), ni même encore que Robert Merle soit un auteur couronné de plusieurs prix parmi lesquels le Goncourt, ou le grand prix Jean Giono.
Par contre, si je vous dit que le livre en question se déroule en 1977 en pleine campagne paysanne Française du Périgord, et dont les thèmes principaux sont la religion, l’humanisme, la sociologie des micro sociétés humaines ou encore la légitimité de systèmes politiques tels que la démocratie, le communisme ou le totalitarisme en cas de crise profonde, et si vous me connaissiez un peu, vous vous diriez : y-a comme un truc qui cloche.
Et pourtant, j’ai pris une grosse, une énorme claque en lisant Malevil de Robert Merle.
Tout d’abord, Malevil, qu’est-ce que ça raconte.
Sans déflorer trop le sujet et risquer de spoiler l’intrigue, un cataclysme nucléaire surprend Emmanuel Comte et 6 de ses compagnons (Peyssou, Meysonnier, La Menou, Momo, Colin et Thomas) alors qu’ils ont la chance d’être au fond d’une cave profonde du château de Malevil en train de déguster du vin. Ce château leur servira de camp de base pour reconstruire une civilisation mais aussi pour combattre d’autres groupes de survivants, nomades, brigands, ou bandes errantes. Ce roman est un huit clos qui se déroule au château de Malevil ainsi que dans le village voisin de La Roque où un autre groupe de survivants tente de s’organiser. Durant tout le roman nous suivons donc ce groupe de personnages qui tente de survivre, de se réorganiser, et de réapprendre à vivre avec les moyens du bord, et avec la douleur des êtres chers qu’ils ont perdus au cours de l’explosion.
La narration est l’œuvre d’Emmanuel Comte, écrivant l’histoire comme dans un journal. Thomas intervient ici et là dans le récit pour préciser des épisodes racontés de façon incomplète par Emmanuel (volontairement ou non) ou pour donner un point de vue diffèrent.
Pour le reste de l’histoire, je vous renvoie au livre. Et je vous assure que les j’ai été, à la lecture, tenu en haleine du début à la fin.
Mais, bien que passionnante, ce n’est pas l’histoire qui m’a le plus intéressé dans ce livre, mais les différents thèmes qui y sont abordés.
• Le survivalisme : Ce thème est régulièrement abordé dans les livres de science-fiction, et particulièrement dans les livres dits post apocalyptiques. C’est d’ailleurs un thème qu’on retrouve très souvent ces derniers temps dans les films et les séries (walking dead par exemple). Dans ce roman, ce thème m’est apparu plus proche de nous, plus réel. Je ne sais pas si c’est parce que l’intrigue se passe en France, dans le Périgord, ou si c’est l’époque choisie par l’auteur (la fin des années 70) mais j’ai trouvé que la façon dont les protagonistes procèdent semble crédible et logique. Ils font le tour de ce qui leur reste après le cataclysme (bétail, matériaux, grain …) et repartent de zéro. Certes, on se pose la question de savoir pourquoi ils ont des bougies qui auraient dû fondre lors de l’explosion, mais globalement le survivalisme des habitants de Malevil est traité sérieusement et de façon réaliste. Cela confère au roman un part non négligeable du suspense.
• La religion : Je ne m’attendais pas à ce que ce thème soit abordé, et pourtant il est central dans le roman. En effet, l’auteur part du principe que dans un monde en ruine, les habitants vont chercher à se rassurer auprès de la religion, à suivre un guide spirituel qui donnera un sens à leur survie. Les exemples les plus frappants du roman sont ceux de Fulber, un vrai / faux évêque qui va mettre la main sur la communauté de La Roque et celui d’Emmanuel Comte qui va se faire élire par les habitants de Malevil comme abbé. Au départ il le fera pour contre carrer les velléités de Fulber d’étendre son pouvoir sur Malevil, mais on se rend très vite compte qu’il y prend beaucoup de plaisir et que la fonction va l’emporter et le sublimer. La question de fond est de savoir si dans des situations extrêmes, telle que celles vécues par les personnages de cette histoire, il est nécessaire de se raccrocher à quelque chose, à une idée, une philosophie supérieure pour pouvoir survivre.
• Les systèmes politiques : Autre thème particulièrement développé dans ce roman, les systèmes politiques. A Malevil, les habitants optent rapidement pour des prises de décisions à l’unanimité. Mais dans des cas très particuliers (situations de crise telles que des attaques extérieurs, un chef de guerre est nommé (Emmanuel Comte) et les ordres qu’il donne ne sont en aucun cas discutables. Ce modèle fait ses preuves, mais dépend fortement du charisme de ce chef. En face, le système politique mis en place à La Roque par Fulber est une caricature de la dictature religieuse. Fulber obtient les pleins pouvoirs en se réservant la distribution des richesses, de la nourriture dans son village, et s’accapare tous les biens de la communauté. Deux autres types d’organisations politiques sont aussi abordés : la démocratie via des élections et la dictature par les armes. Bref, ces différents systèmes politiques abordés mettent en perspective nos sociétés par le prisme du microcosme décrit dans le roman. Et même si l’auteur ne donne pas vraiment son avis dans le roman, on sent malgré tout ses accointances communistes que j’ai découvert après coup en lisant sa biographie.
• Le rôle des femmes : Ce thème est sans doute celui qui m’a mis le plus mal à l’aise au cours de ma lecture. Au début, après l’explosion, la seule femme du groupe est La Menou, un vielle femme qui endosse le rôle de gouvernante du château. Or la survie de la communauté et donc du genre humain passe forcément par la reproduction. Lorsque le groupe découvre une autre petite communauté non loin de là, et qu’il l’invite à Malevil, ce n’est ni plus ni moins que parce qu’une femme jeune et en capacité de se reproduire en fait partie. Par la suite, les figures féminines sont soit des vieilles femmes dont l’unique tâche sera de faire à manger, la vaisselle, le ménage et s’occuper des bêtes, soit des femmes dont le rôle sera clairement la reproduction. Je ne parle même pas de l’adolescente de 14 / 15 ans dont Emmanuel Comte est platoniquement amoureux qui est une représentation à peine voilée de la fragilité féminine. Entre les relents hippies au conservatisme paysans sur le rôle de la femme, l’auteur ne sait pas où se situé. A moins que je n’ai pas compris, ou que le décalage des codes moraux entre le moment où le roman a été écris, et le moment auquel je le lis crée une distorsion qui m’empêche d’aborder le sujet avec sérénité.
Donc vous l’aurez compris, si on excepte le dernier point qui m’a laissé un gout amer, j’ai vraiment adoré ce livre, et je le recommande vivement. Un grand, très grand livre de SF français.
A noté qu’un film avait été produit début des années 80. Renseignements pris il n’est franchement pas à la auteur du livre. Donc sans hésitez, mangez en : c’est du bon.
Je ne sais pas si vous avez lu ce livre.
Si c’est le cas j’aimerais beaucoup avoir votre avis, et connaitre l’état qui été le vôtre à la sortie de sa lecture.
Pour cela, comme d’habitude, plusieurs solutions :
• twitter, où je suis @overb62
• sur mon blog olivierverbreugh.fr
Merci d’évoquer ce livre qui m’a touché également au point de l’avoir relu de nombreuses fois. Étrangement on se met à rêver d’être soi-même le survivant d’une telle apocalypse et de rejoindre une micro-société dans laquelle chacun oeuvre pour le bien commun. Peut-être est-ce le fantasme d’un retour à une forme de société primitive, simple et authentique. Les personnages sont attachants et l’intrigue bien menée.